Voici une compilation d'extraits de différents livres sur les carrières de Paris que j'ai effectué en 1989 pour mes besoins personnels et celui de quelques amis passionnés par les carrières.
Droits de publication: recopié à la main par amour du sujet, ce texte n'était initialement pas destiné à être diffusé. Il a été principalement construit à partir d'extraits du livre de Charles Kunstler,"Paris souterrain", publié en 1953 aux éditions Flammarion. J'espère que, près de 50 ans après sa publication, je ne suis pas trop dans l'illégalité en publiant ce texte.
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1) Géologie et historique des carrières.
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Sur l'assise de craie blanche, de plus de 400 mètres d'épaisseur, qui constitue le fond du bassin parisien, se superposent de l'argile plastique, du calcaire grossier, des marnes, du travertin, du gypse, des glaises vertes, des meulières, des sables, où se trouvent différents lits de grès à coquilles marines. De toutes ces richesses naturelles, les parisiens ont utilisé surtout l'argile, pour fabriquer des tuiles et des briques, la pierre calcaire pour bâtir leurs maisons, le gypse pour en tirer du plâtre. Si l'argile ne fait, presque nulle part, défaut, le calcaire grossier, dont l'épaisseur peut dépasser quarante mètres, se rencontre surtout dans les régions des rives de la Bièvre, dans les quartiers de Chaillot, de Passy, et d'Auteuil, à Bercy, à Reuilly. C'est au nord et au nord-est de Paris, dans les Xème, XVIIème, XVIIIème, XIXème et XXème arrondissements, que s'étendent les formations gypseuses. De l'époque Gallo-Romaine à celle des croisades, édifices publics, monuments et maisons de Paris furent bâtis en pierre de taille et en moellons extrait des carrières des faubourg Saint Victor et Saint Marcel, puis celles ouvertes, par la suite, non loin des remparts de la ville, sur l'emplacement des quartiers Saint Michel, de l'Odéon, du Panthéon, du Luxembourg, des rues Denfert-Rochereau et Saint-Jacques (...). On exploita d'abord la pierre à ciel ouvert; sur le flanc des collines qui environnaient Paris on ouvrit des tranchées. En certains points de la montagne Sainte-Geneviève et des anciennes rives de la Bièvre, dans l'emplacement de l'abbaye Saint-Victor, aux Buttes Chaumont et à Montmartre, on aperçoit encore des traces de ces mutilations. Quand l'exploitation à découvert devint trop pénible ou trop coûteuse, les carriers creusèrent de longues galeries parallèles, coupées de galeries transversales. L'ensemble formait une sorte de damier, aux multiples cases, dont les ciels étaient soutenus par des piliers de section rectangulaire. Ces piliers « carrés » étaient des parties de la masse de pierre que les ouvriers réservaient. Les carriers creusaient autour, tournaient autour de ces piliers que, pour cette raison, on nommait des « piliers tournés ». Des ateliers spacieux, aménagés dans ces souterrains, permettaient aux chevaux et fardiers de passer aisément. La dureté de la pierre, la grosseur des piliers déterminaient la hauteur des carrières exploitées par cette méthode, dite à piliers tournés. Cette hauteur, qui ne dépassait guère 1m50 à Reuilly atteignait à Passy 7 mètres. Par la suite, on exploita la totalité des bancs, mais on creusa des galeries moins hautes et moins larges. Pour éviter un effondrement toujours possible et soutenir les toits, on remplissait les vides de remblais, faits de déchets maintenus eux-mêmes par des murs en pierres sèches - par des hagues - et par des piliers artificiels, formés de moellons superposés, auxquels on donnait le nom de piliers à bras, par opposition aux piliers tournés. Enfin, à l'intérieur de ces remblais, on ménageait des passages, des galeries de circulation. Ces piliers et ces ciels, ces soutiens et ces toits se dégradaient sans cesse. Les piliers tournés étaient-ils d'une épaisseur insuffisante, venaient-ils à se fissurer, des effondrements se produisaient. La chute de plaques du toit permettait de prévoir ces accidents. Une excavation en forme de cloche, s'ouvrait, se creusait, s'élargissait de plus en plus. Finalement, son sommet s'effondrait, ne laissant, à sa place, qu'une sorte d'abîme, un fontis (...). A quelle époque les habitants de Paris ont-ils creusé, pour la première fois, les collines qui entouraient leur ville ? Simple bourgade enfermée dans son « île natale » - l'île de la cité - et reliée par un pont de bois à chacune des rives de la Seine, Paris était à l'origine, la place forte d'une petite peuplade Gauloise. La Gaule à peine conquise par César, on vit s'élever, en face de cette île, sur les flancs de la montagne Sainte-Geneviève, une ville romaine, une ville toute blanche, qu'embellirent les Thermes, les Arènes, le Théatre et l' Aqueduc des eaux... (...) Vers l'an mille, les Parisiens bâtirent, avec des pierres arrachées aux carrières situées sous le jardin du Luxembourg, le fameux château de Vauvert, maison de plaisance de Robert le Pieux. Construit non loin de l'ancienne porte d'Enfer et de la rue d'Enfer, l'hôtel royal de Vauvert était en ruines quand Saint-Louis le donna aux Chartreux. Pour le restaurer, ces religieux ouvrirent deux carrières, en consolidèrent les ciels, aux abords des puits d'accès, par de doubles voutes en pierre d'appareil. Ces souterrains, ainsi aménagés, les chartreux construisirent un escalier pour en faciliter l'accès. Finalement, ils les transformèrent en caves, où, à la lueur de torches de résine, ils se mirent à faire de la bière et à distiller des liqueurs. A l'exemple des Chartreux, les Génovéfains, les religieux de Saint-Victor, les Feuillants, les Feuillantines se firent donner de vastes terrains au sud de Paris, en dehors de l'enceinte de Philippe-Auguste. Ils reprirent l'exploitation des carrières abandonnées, en ouvrirent de nouvelles, en retirèrent de grandes quantités de pierres pour leurs constructions. De nombreux affaissements se produisirent, des fontis s'ouvrirent, que l'on pouvait voir, naguère encore, sous les rues Gay-Lussac, Saint-Jacques et des Feuillantines. Ce n'est qu'à partir du XVIème siècle que les anciens plans de Paris indiquent les carrières souterraines de cette ville et de ses faubourgs. Au temps de François Ier et de Henri II, on exploitait encore des carrières de pierre à: - Saint-Germain des prés (rue Bonaparte, rue de Vaugirard, rue Madame), - à Vaugirard, près de la pointe sud du couvent des Chartreux (rue Fleurus, rue Guynemer), - à Notre-Dame-des-Champs et aux tombes (rue Saint-Jacques et faubourg Saint-Jacques, à l'hôpital Cochin-Ricord, rue de la Santé, rue Dareau, boulevard de Port-Royal), - à Saint-Victor (jardin des Plantes, rue Cuvier), - à Saint-Marcel (boulevard Saint-Marcel et voies adjacentes), - et enfin rue de l'Arbalète, rue Berthollet, rue Vauquelin, rue Lhomond, rue Mouffetard... Sous Louis XV, la pierre utilisée pour les beaux édifices de Paris provenait des carrières des faubourgs Saint-Jacques et Saint-Marcel, de celles de Vaugirard, d'Arcueil et de Bagneux. Pour la construction de l'Ecole Militaire, Gabriel fit ouvrir des carrières à Vaugirard, sous les terrains compris entre la rue de la Convention au nord, la rue des Morillons au sud, la rue Olivier-de-Serres à l'est, et la rue de Cronstadt à l'ouest. A mesure que Paris s'aggrandissait les exploitations s'écartaient de ses murs, de sorte que « les plus anciennes carrières souterraines de calcaire grossier se trouvent être les plus rapprochées du centre de la ville ». Ajoutons que la superficie totale des régions creusées par les carriers représente le dixième de la superficie totale de Paris. |
2) L'origine de l'Inspection Générale des Carrières.
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Tandis que Paris étendait ses tentacules, saisissant ses faubourgs et leurs environs, les absorbait, les couvrait de maisons, de palais, d'églises, de remparts, des affaissements inquiétants se produisaient en divers points de la grande ville. Sous le règne d'Henri IV, les propriétaires de carrières ne furent plus soumis, comme auparavant à la surveillance des agents du roi; de nombreux abus s'ensuivirent. En 1633, l'intendant général des Fontaines, le sieur Franchini, écrivit à Louis XIII pour attirer son attention sur ceux qui se permettaient « de creuser le sol jusqu'au dessous des grands chemins, conduits de fontaines et autres ouvrages publics, sans laisser les piliers, hagues et murailles nécessaires pour soutenir le ciel et les terres des dites carrières ». A la suite de ce rapport, Louis XIII défendit de creuser « à quinze toises près des grands chemins, conduites de fontaines et autres ouvrages, à peine de punition corporelle et amende ». Personne ne connaissait, alors, d'une façon précise, le nombre et l'étendue des exploitations souterraines de Paris (...). Les anciennes carrières épuisées, dont les ouvertures avaient été comblées, semblaient être condamnées à l'oubli quand le Bureau de Finances donna l'ordre d'en dresser un état et d'en lever les plans (ordonnance ce Police du 30 avril 1772) (...). Le 17 décembre 1774, une fouille de carrière occasionna un éboulement qui renversa, dit-on, une partie du pavé et des alentours de la route d'Orléans, c'est à dire la partie de l'avenue Denfert-Rochereau comprise entre l'hospice des Enfants-Assistés et la place Denfert. Trois cent-mètres de route disparurent dans une excavation profonde de vingt-cinq. Le gouvernement intervint, menaça les propriétaires de carrières, leur ordonna de les consolider. Vers la fin de 1776, un examen attentif de ces souterrains confirma les craintes des Parisiens: églises, palais, couvents, maisons d'habitation, tout le sud de Paris pouvait disparaître brusquement (...). Le 4 avril 1777, Louis XVI nomma une commission spéciale, composée du comte d'Angiviller, directeur général des Bâtiments et jardins, et du lieutenant général de police, Lenoir. Sur la proposition de ces deux commissaires, le croi créa, peu après, l'Inspection Générale des Carrières, à la tête de laquelle il mit un architecte habile, Charles-Axel Guillaumot. Le jour même de son installation, un événement grave jeta de nouveau l'alarme dans Paris. Rue d'Enfer, près du Luxembourg, le sol s'entr'ouvrit tout d'un coup et les remises d'une maison furent englouties à vingt-huit mètres de profondeur. Un mois plus tard, en juillet 1777, un fontis se produisit à l'entrée du village de Vaugirard (actuellement à l'angle de la rue Bargue et de la rue Vaugirard), dans la cave de l'auberge A la lune éclatante (...). L'éboulement d'un tertre, à Ménilmontant, attira l'attention sur les plâtrières de la rive droite. Un an plus tard, le 27 juillet 1778, sept personnes disparurent dans un fontis qui s'ouvrit presque au même endroit. La première victime fut retrouvée, au bout de six jours de recherches, à dix-sept mètres de profondeur; la dernière à vingt-sept mètres, vingt-cinq jours après l'accident. On visita les plâtrières de Montmartre, celles de Belleville et des Buttes-Chaumont, dans les enfoncements desquels des ouvriers avaient été ensevelis. Pour écarter tout danger, on s'empressa de combler les fontis et les carrières elles-même, en brisant, en renversant les piliers à la mine. On foudroya à la poudre à canon les piliers de soutènement qui supportaient deux et, parfois, trois étages de galeries superposées. Un contemporain, Sébastien Mercier, l'auteur du Tableau de Paris, décrit, dans cet ouvrage, le spectacle curieux et nouveau que donnèrent aux Parisiens les mineurs de M. Vandermarck : « on vit une colline considérable s'abaisser, et, d'après l'expression populaire, faire la révérence. Il y eu jusqu'à quarante piliers brisés d'un seul coup de feu ». Tandis que tout Paris vivait des jours d'angoisse, les Chartreux continuaient à creuser paisiblement le sous-sol de leur clos, près du Palais du Luxembourg. A la demande de Monsieur, frère du roi, on ferma leurs carrières ; on les obligea, même, à construire des piliers aux endroits où les ciels, fissurés, risquaient de s'effondrer. Enfin, Louis XVI défendit d'ouvrir ou de continuer à exploiter des carrières « dans la distance d'une lieue de la banlieue de Paris », sans une autorisation écrite du lieutenant de police. Il interdit, en outre, l'exploitation souterraine du plâtre. Ces mesures furent bien acueillies des Parisiens, que les brochures étrangères se plaisaient à terroriser en représentant leur ville « comme prête à descendre, avec tous ses habitants, dans un abîme » (...). « C'est une ville souterraine, où l'on trouve des rues, des carrefours, des places irrégulières. On regarde au plancher (plafond), tantôt bas, tantôt plus élevé : mais quand on y voit des crevasses, et que l'on réfléchit sur quoi porte le sol de cette superbe ville, un frémissement secret vous saisit... ». (...) Guillaumot mourait le 7 octobre 1807. Le 21 mars 1809, l'inspecteur des mines Héricart de Thury devenait inspecteur général des Carrières et Travaux souterrains de Paris. Ces travaux furent menés activement et, dans sa célèbre Description des catacombes de Paris, publiée en 1815, Héricart pouvait déclarer non sans fierté, que la voie publique se trouvait sur le point d'être consolidée. Sous l'impulsion de ce prodigieux animateur, le service des carrières dressa, en peu d'années, les plans de toutes les excavations de Paris et de ses environs, soit 3000 plans, coupes, profils, élévations, dressés sur trois échelles différentes. (...) A la fin du XIXème siècle, l'ensemble des galeries souterraines d'inspection atteignait 135 kilomètres : 91 sous les voies publiques de Paris et 44 sous les propriétés de la Ville et de l'Etat. Sous les propriétés privées, les galeries souterraines s'étendent sur près de 150 kilomètres. Soit au total près de 300 kilomètres d'anciennes carrières ! Les réseaux les plus considérables se trouvent dans les XIIIème et XIVème arrondissements. Alors qu'il n'y a que 7km200 de galeries d'inspection dans le XVIème arrondissement, 8km425 dans le Vème, 12km797 dans le VIème, et 12km574 dans le XVème, les XIIIème et XIVème arrondissements possèdent respectivement 25 et 69km de galeries sous les rues et monuments publics. Le terrain qui recouvre les carrières les plus menacées est parfois d'une épaisseur très faible. Alors qu'elle atteint parfois 30 mètres à Montsouris (rue des Artistes, rue de l'Aude), et 40 mètres à Montmartre (rue Gabrielle et Charles-Nodier), elle est de 2m50, tout au plus, en certains points de Vaugirard, notamment rue d'Alleray. Tout au long du XIXème siècle et durant le premier tiers du XXème, on n'a cessé de consolider le sous-sol de Paris. Après les voies publiques, les monuments et les édifices publics ont été protégés. Les réservoirs de la Vanne, à Montsouris, le palais du Trocadéro et ses jardins, le lycée Montaigne, l'Ecole de pharmacie, l'Ecole normale, le Val-de-Grâce, le jardin des plantes, le jardin du luxembourg, la manufacture des Gobelins, la Salpêtrière, la gare et le cimetière du Montparnasse, l'hôpital Cochin, l'Observatoire, le chemin de fer de Sceaux, le parc de Montsouris, le boulevard Soult, la rue Boissonade, les stations Bienvenue et Montparnasse ont été, tour à tour consolidés. La propriété du sol, déclare le Code civil (art. 552), emporte la propriété du dessus et du dessous, avec tous ses profits mais aussi avec toutes ses charges (...). Aussi l'Inspection Générale des Carrières ne saurait être tenue pour responsable des accidents qui peuvent se produire sous les édifices privés (...). Aujourd'hui, l'Inspection Générale des Carrières de la Seine a des attributions multiples. Outre la surveillance des exploitations à ciel ouvert et des carrières souterraines en activité, ou épuisées, outre l'exploration et la consolidation des carrières souterraines, abandonnées sous le domaine public, cette administration est chargée de l'établissement et de la mise à jour des plans souterrains et cartes géologiques, de l'examen des demandes en autorisation de bâtir, de l'entretien et de la surveillance des Catacombes. |
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Au début du XIIIème siècle, dans les ruines du château de Vauvert, situé au lieu occupé aujourd'hui par la partie sud du Luxembourg, en face des allées de l'observatoire, des malfaiteurs, coupeurs de bourse, tire-laine, détrousseurs de route profitaient de l'existence des carrières pour se mettre à l'abri de la police. Lorsqu'en l'an 1257, les Chartreux prirent possession des vestiges de l'ancien château de Vauvert ils chassèrent ces brigants des anciens souterrains, qui se regroupèrent par la suite dans les carrières de Montsouris. Les galeries souterraines du faubourg Saint-Jacques, celles de la Barrière d'Orléans et de la voie Creuse, offraient aux contrebandiers des routes sûres où les archers des gabelles n'osaient s'aventurer. On mura les entrées des carrières ; les fraudeurs en ouvrirent d'autres. Pour interdire toute communication entre les carrières de Paris et celles de la banlieue, on éleva, dans les souterrains, des « barrages en maçonnerie, appellés murs de fraude... De plus, pour isoler les réseaux de galeries et simplifier ainsi la surveillance, on mit des portes en certains points ». Ne pouvant plus entrer dans Paris par les carrières, les contrebandiers « creusèrent de véritables chemins de taupes entre le toit des exploitations souterraines et le sol des boulevards extérieurs, dans les bancs marneux qui surmontent le calcaire grossier. C'était de longs boyaux dont les extrémités aboutissaient dans les caves des maisons situées de part et d'autre de l'enceinte ». Etablie par Louis XVI, cette enceinte, dite Enceinte des Fermiers Généraux, servait à la fois de mur d'octroi et de rempart. (...) Durant la terreur, des pillards s'aventurèrent dans les souterrains de la rive gauche, espérant y trouver des richesses cachées. Certains n'en revinrent jamais, comme le portier du Val-de-Grâce, Philippe Aspairt. Peut-être espérait-il trouver des liqueurs dans les arrières caves des Chartreux, abandonnées depuis peu. Toujours est-il qu'il eu l'idée d'y pénétrer, un jour d'hiver, sans prévenir personne. Il prit un escalier de descente, construit au XVIIème siècle, lors des travaux de soutènement du couvent, et qui menait et mène encore de l'intérieur du Val-de-Grâce à ses souterrains. Philippe Aspair ne remonta pas. La lumière lui fit défaut, sans doute... Onze ans plus tard, en 1804, les ouvriers d'une brigade topographique, chargée du levé du plan souterrain de la rue d'Enfer, découvrirent dans une galerie de cette rue... un cadavre rongé par les rats. Quelques débrits de vêtements, une ceinture de cuir et un trousseau de clefs trouvés près de lui, permirent de reconnaître l'ancien portier du Val-de-Grâce. |
4) La vie secrète des anciennes carrières.
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L'absence de lumière, l'air saturé de vapeur d'eau ne permettent qu'une vie réduite. Les animaux qui se réfugient ou qui naissent dans les carrières sont généralement aveugles. Leur enveloppe protectrice, le plus souvent transparente et privée de couleur, s'enrichit, par contre, de longs poils fins et souples, qui forment autour d'eux une zone tactile d'une exquise sensibilité. (...) La flore des carrières souterraines est encore plus restreinte que la faune. On ne trouve que des champignons. Ils assimilent le carbone que leur apporte l'air ambiant sous forme d'acide carbonique, et vivent aux dépens des débris animaux ou végétaux, qu'ils décomposent. Aussi a-t-on songé à utiliser les anciennes carrières de Paris pour cultiver l'agaric comestible, ou champignon de couche. (...) Sur le sol bien nettoyé, on étalait de petites meules de fumier de cheval mélangé de terre passée au crible et provenant de débris et de déchets calcaires. Dans ces meules on introduisait "deux ou trois rangs de mises ou lardons, plaques de fumier sec qui contenait du blanc de champignon". On recouvrait le tout d'une couche de terre calcaire ; c'était le gobetage. De légers arrosages entretenaient l'humidité. Pendant la fermentation du fumier, on maintenait la température à 17 degrés environ, en réglant la circulation d'air dans les galeries. Peu de semaines après le lardage, le blanc avait envahi toute la meule : il avait filé. Un mois plus tard, les champignons apparaissaient... |
5) Les carrières durant l'occupation Allemande.
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Ce ne fut que vers la fin de 1943 que les Allemands songèrent à effectuer des travaux de protection dans les carrières. A partir de ce jour, ils interdirent aux ingénieurs français du Service des Carrières de faire des visites de surveillance (...). Heureusement, certains entrepreneurs, qui travaillaient pour le compte des occupants, apportaient à la Direction Générale des Travaux de Paris, place Denfert-Rochereau, des documents qui renseignaient les ingénieurs français. Les allemands ont utilisé les carrières comme abris de défense passive et non comme dépôts de matériel de guerre. Le plus important de ces abris était situé aux abords du Sénat où s'était installé l'état-major de la Luftwaffe. Ils avaient créé des accès qui partaient du Sénat et rejoignaient d'anciennes carrières situées autour de l'Odéon, sous la rue Corneille et l'hôtel Corneille, incendié durant la glorieuse semaine d'aout 1944 (...). Certaines galeries furent revêtues d'une protection en ciment. Ils en consolidèrent d'autres, ouvrirent des accès nouveaux et, dans la plupart de ces rues souterraines, ils installèrent le téléphone, des appareils de signalisation électrique et d'éclairage électrique (...). Sous les écoles primaires communales de garçons et de filles de la rue des Feuillantines, il existait, avant la guerre, un escalier "condamné". En 1938, on le rouvrit, on déblaya les vides situés sous ces écoles et sous la rue Gay-Lussac ; on les consolida à l'aide de piliers en maçonnerie, de murs et de voûtes. Ces abris étaient destinés à recevoir les écoliers au moment des alertes. Par mesure de précaution on construisit un autre escalier, on ouvrit une autre issue, on renforça le ciel de la carrière. Les travaux de consolidation du "Groupe des Feuillantines" ne furent terminés qu'en 1940. Au début de 1944, Laval, Abetz et Brinon demandèrent au Service des Carrières de rendre ces abris habitables (...). On revêtit les parois de feuilles d'amiante ; on dalla le sol. Des fils électriques et téléphoniques se fixèrent aux murs. Des portes massives fermèrent les ouvertures. L'infirmerie fut pavée de carreaux de faïence. On installa, dans cette maison souterraine, le chauffage central, des lavabos, des appareils de signalisation des gaz ; et, pour pouvoir vivre de longues heures, de longs jours même, dans ces abris, on se préoccupa tout particulièrement de la climatisation, de la régénération de l'air. Pour faciliter cette climatisation, on installa un groupe électrogène sous le Val-de-Grâce. Pour l'échappement des gaz, on utilisa un puit de service qui existait déjà ; un câble relia ce groupe à l'abri des feuillantines. Ce refuge, terminé au mois d'aout 1944, peu de jours avant la libération, n'a jamais servi. Les carrières de Chaillot constituaient un secteur important de Paris en cas d'action militaire. Elles communiquaient avec les sous-sols du Palais de Chaillot, notamment avec son abri. Soit par le théatre, soit par les jardins de Chaillot, on pouvait pénétrer aisément dans ces carrières et sans attirer l'attention, grâce à la complicité de certaines personnes attachées au théâtre. Le directeur de scène et le régisseur général appartenaient au mouvement Libération-Nord. Les événements ne permirent pas de tirer parti de ces souterrains. Les premiers éléments de la 2e D.B. arrivés au Palais de Chaillot, le 25 aout 1944, songèrent à utiliser la "sortie" de l'avenue Kléber pour attaquer un garage occupé par les Allemands. Mais ceux-ci l'évacuèrent avant même que la résistance ait pris toutes les dispositions pour passer à l'attaque. Peu de temps avant la guerre, le Service des Carrières avait construit, pour son personnel et pour celui des Services techniques de la ville de Paris, deux abris situés sous la place Denfert-Rochereau, à l'aplomb des deux pavillons de l'ancienne ceinture des Fermiers Généraux. Avec leurs revêtements étanches, leur climatisation, leur ventilation électrique, leurs bureaux aménagés pour continuer à travailler durant les alertes, avec leur infirmerie, leur chauffage, leur groupe electrogène, leur dispositif pour la signalisation des gaz, ces abris étaient presque aussi bien aménagés que ceux des Feuillantines. Ils étaient mieux disposés et mieux situés ; ils avaient surtout l'avantage d'être ignorés des Allemands (...). C'est de l'abri souterrain de la place Denfert-Rochereau que le colonel Rol-Tanguy lancera, le 19 aout 1944, aux forces F.F.I. qu'il commande, l'ordre de patrouiller dans Paris, de réquisitionner les véhicules nécessaires pour assurer leur mobilité, de couper des arbres et dépaver certaines rues, d'occuper les bâtiments publics, usines, magasins généraux, centraux et gares, puis les jours suivant l'ordre d'attaquer à outrance l'ennemi partout où il se trouve et de poursuivre jusqu'au bout ce soulèvement. Il y donnera encore à ses hommes des conseils pour fabriquer des "cocktails Molotov" (...), bouteilles contenant trois-quarts d'essence, un quart d'acide sulfurique, et recouvertes d'une étiquette ensuite de chlorate de potasse (...). A peine a-t-on brisé une de ces bouteilles que ce mélange produit, au contact du chlorate de potasse, une flamme immense. Il n'y eu point de batailles dans les carrières (...). Après la délivrance de Paris, on y fit des patrouilles pour s'assurer qu'il ne s'y cachait point d'Allemands. On n'y trouva ni dépôts d'armes, ni explosifs, ni vivres permettant de penser que l'ennemi avait songé à s'y installer comme dans une forteresse. Les envahisseurs s'étaient contentés d'y construire des murs en briques ou en moellons, pour limiter le réseau des souterrains où ils se réfugiaient lors des bombardements. |
1) Anciens champs de repos Parisiens.
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Au temps de François Ier (...), le sol de Paris était inégal, effondré, couvert de boues, de gravats, d'immondices, de pourritures de toutes sortes. Pas d'égouts, tout au moins pas d'égouts couverts. Pas de fosses d'aisances, ou fort peu. On jetait les ordures par les fenêtres. Des animaux domestiques, pigeons, oies, lapins, canards, cochons, erraient en liberté dans les rues, pataugaient, barbotaient dans ces bourbiers pour y chercher leur nourriture. Tout concourrait à rendre l'air irrespirable. Sous Henri IV et même à la fin du rêgne de Louis XIII (...) la capitale ne sera encore qu'un cloaque infect et malsain. Les épidémies étaient fréquentes (...). La peste noire ravagea Paris durant trois siècles, de 1348 jusqu'en 1638 (...). Après l'épidémie de peste de 1530, François Ier rendit une ordonnance enjoignant à tous ceux qui avaient été malades, où chez lesquels il y avait eu des morts ou des malades, de placer des croix de bois aux fenêtres et devant la porte de leur logis, et de tenir à la main, "en allant et venant par la ville, une verge blanche ou bâton blanc" (...). Paris comptait à peine six médecins en 1272, huit en 1274, trente-deux en 1395 (...), cent-treize en 1650. Plus que les émanations des eaux croupissantes, des égouts découverts et des boues (...), les inhumations engendraient ces épidémies meurtrières, les entretenaient pendant de longs mois, et, parfois pendant des années. Lorsque soufflaient les vents d'ouest, une buée malsaine s'élevait des cimetières de Paris. Ces cimetières étaient nombreux ; pas une église, pas un hospice, pas un couvent qui n'eût le sien. Aussi a-t-on pu dire que "les bourgades des morts étaient disséminées à travers la ville des vivants". On pourrait ajouter que la plupart des grands noms de la vieille France ont figuré sur les registres d'écrou de ces prisons perpétuelles. Saint-Paul, qui possédait un des plus vastes charniers de Paris et l'un des mieux ornés, cacha Rabelais sous un noyer. Saint-Germain-des-Prés reçut les dépouilles des rois de la première race, des Mérovingiens (...), le tombeau de Descartes et de Boileau (...). C'est dans l'Abbaye de Sainte-Geneviève que se trouvaient, avant sa démolition en 1802, les ossements de Clovis et de sainte Clotilde, sa femme (...), le Couvent des Filles-de-la-Croix possédait ceux de Cyrano de Bergerac (...), les Petits-Pères ceux du musicien Lully (...). Molière et La Fontaine se retrouvèrent au cimetière Saint-Joseph. Montesquieu s'en alla méditer, rue de Bagneux, sur la grandeur et la décadence des Romains (...). A Picpus, le marquis de La Fayette. Dans un enclos voisin, les 1300 victimes guillotinées, place du Trône, entre le 26 prairial et le 9 thermidor an II. En 1794, les corps de Mirabeau et de Marat furent transférés du Panthéon dans le cimetière de Saint-Etienne-du-Mont (...). Au grand gibet de Montfaucon, situé sur une éminence, au delà des faubourg Saint-Martin et du Temple, une fosse tenait lieu de charnier. Les restes de suppliciés y tombaient quand leurs corps étaient en décomposition. Montfaucon possédait trois étages de poutres garnies de chaînes et de liens. A chaque étage, dix pendus pouvaient voisiner à la fois (...). Les fouilles faites, à différentes époques, rue Vivienne, quai de Conti, aux abords de l'Hotel de Ville « sur la route qui conduisait dans les pays de l'Est », permettent d'affirmer qu'il existait à Paris des cimetières Romains. Au IVème et au Vème siècles de l'ère chrétienne, les Parisiens enfouissaient leurs morts dans les caves de leurs maisons, dans leurs jardins, ou le long des routes. De petits monticules de pierre, de sable ou de gazon indiquaient les endroits où gisaient les guerriers. A la longue, les églises ne disposèrent plus de place pour recueillir les corps des fidèles ; des tombes se pressaient autour de leurs portiques et « leurs alentours étaient semés de croix funèbres ». Il fallait créer des cimetières. Au VIème siècle, Paris possédait quelques champs de repos : SAINT-GERVAIS, SAINTE-OPPORTUNE , la Terre des Cendres... (...) Sous l'Ancien Régime, la plupart des cimetières étaient réservés aux catholiques. Sous Henri IV et Louis XIII, les réformés en possédaient deux : l'un derrière Saint-Sulpice, l'autre rue des Saints-Pères, sur l'emplacement occupé par l'Ecole des Ponts-et-Chaussées. La révocation de l'édit de Nantes contraignit les protestants à enfouir leurs morts en des points de la ville ignorés du public. Les enterrements se faisaient la nuit, le plus souvent dans des terrains vagues ou des propriétés particulières (...). Au moyen-âge, les Israélites avaient deux cimetières, l'un rue Garlande, le second rue de la Harpe (...). Vers la fin du XVIIIème siècle, ils fondèrent un nouveau cimetière du côté de la Villette (...). Le plus important de tous les lieux de repos du vieux Paris, un des plus anciens et le seul qui soit resté légendaire, est le Charnier des Innocents. Pendant huit cent ans, vingt-deux paroisses, l'Hôtel-Dieu, la Basse Geôle du Chatelet, la Morgue n'ont cessé de le peupler. C'est aux Innocents que l'on transporta les victimes de la Saint-Barthélemy, au nombre d'environ 2 000. De sa création à 1785, année de sa suppression, le nombre des corps déposés chaque année en ce lieu n'a cessé de croître. En moins de 35 ans, le dernier fossoyeur, François Poutrain en enfouit quatre vingt-dix mille. La plupart étaient entassés dans des fosses communes de cinq à six mètres de profondeur, où « l'usage était de les accumuler par douze ou quinze-cents ». En dépossédant le clergé, la Révolution s'empara des cimetières, les décréta biens nationaux, les mit en vente. La guillotine, en permanence sur les places publiques, nécessita l'ouverture de nouveaux charniers. La commune en créa deux : l'un, hors des murs, derrière les jardins de Picpus, recueillit les victimes de la place du trône, l'autre celles de la place de la Révolution, dans un terrain qui dépendait de l'ancienne paroisse de la Madeleine (...). On y déposa les plus illustres victimes du Tribunal Révolutionnaire : Louis XVI, Marie-Antoinette, Philippe-Egalité, Charlotte Corday, Madame Roland, Custine, Biron, Hébert, Madame du Barry... Désaffecté le 19 avril 1794, le cimetière de la madeleine fut acheté par Desclozeaux, dans le dessein « de veiller à la conservation des restes de la famille royale ». Desclozeaux avait assisté aux l'inhumations. En janvier 1815, il dirigea les fouilles qui permirent de retrouver les restes du roi et de la reine. Aujourd'hui, la Chapelle Expiatoire et le square qui l'environne recouvrent ce cimetière. Pour le remplacer le gouvernement révolutionnaire avait fait choix d'un terrain vague qui s'étendait entre la Folie-Chartres, le mur des Fermiers-Généraux, la rue de Monceau et la partie de la rue du Rocher qui portait le nom de rue des Errancis. Les cimetières de « Mousseaux », ou plutôt des Errancis fut inauguré le 20 mars 1794 (et recueilli entre autres Danton, Camille Desmoulins, Malesherbes, Lavoisier, Robespierre, Saint-Just...). |
2) Des innocents aux catacombes.
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On apercevait encore sur la rive droite des prés fleuris entourés d'arbres que l'on nommait les petits champs, avant que Louis le Gros n'y transfère le marché de la place de Grêve. Pour abriter les marchands, Philippe-Auguste y fit construire deux hangars que le peuple appela « les Halles ». Il se vit bientôt obligé d'agrandir le cimetière des Saints-Innocents, et, ce champ de repos resté sans cloture servant de passage à tout venant, de le faire enclore de gros murs de dix pieds. La population de Paris ne cessait de s'accroître, passant de 150 000 habitants environ en 1328 à 300 000 en 1528 et près de 700 000 à la fin du règne de Louis XVI. De nouveaux quartiers englobèrent les Halles, en firent le centre de la ville, si bien que les Innocents finirent par devenir un des endroits les plus fréquentés et les plus gais de Paris !). Toutes sortes de boutiques, même des échoppes d'écrivains publics, s'adossaient aux murs de ce cimetière (...). Saturée d'engrais humain, cette terre exhalait des miasmes pestilentiels. Des accidents se produisirent, de plus en plus fréquents, de plus en plus graves, dans les quartiers situés autour de ce charnier (...). Durant les chaleurs de l'été, les exhalaisons étaient telles, aux environs des cimetières, « que les aliments les plus nécessaires à la vie ne pouvaient se conserver que quelques heures dans les maisons sans s'y corrompre ». Voltaire écrit dans son Dictionnaire philosophique : « Vous ne voyez ni à Rome, ni dans le reste de l'Italie aucun de ces abominables cimetières entourer les églises ; l'infection ne s'y trouve pas à côté de la magnificence, et les vivants n'y marchent point sur les morts... Passez par le charnier qu'on appelle Saint-Innocent ; c'est un vaste enclos consacré à la peste : les pauvres y meurent souvent de maladies contagieuses, y sont enterrés pêle-mêle : les chiens y viennent quelquefois ronger les ossements ; une vapeur épaisse s'en exhale ; elle est pestilentielle dans les chaleurs de l'été après les pluies : et presque à côté de cette voirie est l'Opéra, le Palais-Royal, le Louvre des rois. On porte à une lieue les immondices des privés, et l'on entasse depuis douze cent ans dans la même ville les corps pourris dont ces immondices étaient produites. L'arrêt que le parlement de Paris à rendu en 1774, l'édit du roi de 1775 contre ces abus, aussi dangereux qu'infâmes, n'ont pu être exécutés ; tant l'habitude et la sottise ont de force contre la raison et contre les lois ! En vain l'exemple de tant de villes de l'Europe fait rougir Paris ; il ne se corrige point. Paris sera encore longtemps un mélange bizarre de la magnificence la plus recherchée, et de la barbarie la plus dégoutante ». Il fallu un événement grave pour avoir raison de (la situation). Vers la fin de 1779, on ouvrait dans le cimetières de innocents, près de la rue de la lingerie, une fosse de cinquante pieds de profondeur pour y enfouir quinze cent corps (...). Peu de mois plus tard, un sieur Gravelot, principal locataire d'une des maisons situées rue de la lingerie (remarqua que dans sa cave) « la muraille contiguë au cimetière avait cédé sous le poids des cadavres amoncelés dans la fosse voisine, et des fissures s'y étaient produites ». Cadet de Vaux, inspecteur général de la salubrité, fut chargé de faire une enquête à ce sujet. Dans son rapport, le célèbre physicien disait notamment : « au cours du mois de mars 1780, le mal ne faisant que croître, on condamna au moyen d'une bonne maçonnerie, la porte de la cave la plus voisine du cimetière » (...). On fit contruire un contre-mur en moellons, recouvert d'un fort enduit de plâtre (...), mais les pierres elles-mêmes étaient traversées par les émanations du charnier. En déménageant les caves, deux tonneliers furent asphyxiés (...). Les murs des caves ruisselaient. « Un maçon y posa imprudemment la main ; au lieu de la laver sur-le-champ avec du vinaigne, il se contenta de l'essuyer : au bout de trois jours la main et l'avant-bras subirent un engourdissement général, puis se tuméfièrent avec douleur. Il survint des boutons à la surface de la peau, et cela se termina par un suintement âcre et séreux qui détruisit l'épiderme » (...). On vida ces caves, on étendit sur le sol six pouces de chaux vive, on mura portes et soupiraux. Pour arrêter le méphitisme, vingt ouvriers ouvrirent la fosse commune et la remplirent de chaux vive ainsi que les pourtours. Durant tous ces travaux des feux clairs, allumés de distance en distance, purifiaient l'atmosphère chargée de miasmes. Ce rapport, lu par Cadet de Vaux à l'Académie royale des sciences, répandit l'effroi dans la ville et provoqua de nouvelles plaintes. Dans l'une d'elles il était dit que le nombre des corps déposés depuis tant de siècles aux Innocents, excédant toute mesure, en avait exhaussé le sol de plus de huit pieds au dessus des rues voisines ! Cette fois les pouvoirs publics s'émurent, et, le 9 novembre 1785, le conseil d'Etat ordonna la supression du cimetière (...). L'enlèvement et le transport des ossements se fit de nuit. Les ossements exhumés furent transportés dans le nouveau cimetière souterrain de Mont-Rouge, c'est à dire dans les catacombes. |
3) Les catacombes de Mont-Rouge.
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Quand on parle des catacombes de Paris, il est d'usage de les comparer à celles de Rome, de Naples, de la Sicile, et même de l'Egypte et de la Syrie. Ces ossuaires ont, pourtant, des origines très différentes. Dans les catacombes de Paris, point de grand monuments de granit ou de marbre (...), point de corps embaumés et miraculeusement conservés (...), point de couloirs et de caveaux décorés de fresques représentant des scènes de la vie terrestre ou de l'autre monde (...). (Ce ne sont que d'anciennes carrières transformées en ossuraires. L'analogie s'arrête ici) (...). (C'est dans les carrières de Montrouge (au lieu-dit la Tombe-Issoire) que l'inspecteur général Guillaumot fit exécuter les travaux nécessaires pour recueillir les ossements du charnier des Innocents. Abandonnées depuis plusieurs siècles, ces carrières menaçaient ruine. On consolidait leur ciel. Un mur limita l'étendue du nouvel ossuaire. On assécha le sol, inondé par les infiltrations et les pertes du grand aqueduc d'Arcueil, construit sous Marie de Médicis. Et le 7 avril 1786, (on procéda) à la consécration des catacombes (...). Le jour même de cette cérémonie, commenca le transport des ossements du charnier des Innocents. Il se fit au déclin du jour dans des chars recouverts d'un drap noir et suivis de prêtres en surplis qui chantaient l'office des morts (...). Nul accident, nul spectacle indiscret n'offensa les yeux de la foule (...). Quinze mois suffirent pour mener à bien cette entreprise. Après la destruction de l'église des Saints-Innocents, et la métamorphose du Charnier en place publique, on installa dans la cour de la Tombe-Issoire les pierres tombales, les inscriptions, les croix que n'avaient point réclamé les familles (...). Les catacombes occupaient une superficie de 10 993 mètres carrés, et l'on pensa qu'elles contiendraient aisément tous les débris humains retirés des cimetières et des églises de Paris. |
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Ouvrages traitant des sous-sols de Paris:
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Bibliographie extraite de « Nouvelles promenades dans Paris » (antérieur à 1953):
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Bibliographie extraite de « Gibets, piloris et cachots du vieux Paris » (antérieur à 1956):
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